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Maroc : l'aventure continue


Voilà deux semaines écoulées déjà depuis notre dernier post, on en a des choses à vous raconter ! Les montagnes nous ont accueillis à bras ouverts, l'aventure en altitude avait commencé à Tafraoute, elle s'est poursuivie non loin de là, à Tanalt.



Tanalt et sa rivière

Nous sommes donc montés davantage dans l'Anti-Atlas, à la recherche d'un coin reculé. Un petit espace en bord de route a attiré notre regard et nous nous sommes installés. Une vue panoramique sur la vallée, c'est sublime. On casse la croûte et nous voilà prêts à partir à l'aventure. Un petit sentier de terre et de cailloux descend non loin de nous. Des bonnes chaussures et on décide de partir explorer. Rapidement, on quitte le chemin pour escalader les rochers et descendre encore.

Puis, on aperçoit la rivière en contre bas. On la longe jusqu'à trouver des immenses rochers arrondis aux reflets turquoises, des transats naturels ! Et nous voilà posés au soleil, avec le chant des oiseaux et le bruit de l'eau qui coule en fond sonore. On se surprend à chuchoter tant on a l'impression de déranger la nature. Pas un déchet, pas un signe de présence humaine hormis un petit pont de fortune. Les enfants découvrent que la rivière se sépare en ruisseaux plus loin et leur terrain de jeu est tout trouvé. L'après-midi s'écoule les pieds dans l'eau, barrages, ricochets et courses de feuilles mortes, le bonheur…


La route et ses surprises

Le lendemain, nous avions le projet de partir au rassemblement Rainbow. Mais les nouvelles que nous avons reçues via John ne sont pas bonnes, la police ne tolère pas ce type de rassemblement vu la tension actuelle, ils se font déloger.

On se réorganise, le conseil de famille décide de prendre vers l'est, direction Igherm. Nous commençons par programmer un itinéraire vers une ville afin de faire quelques courses et de trouver de l'essence. Pas facile dans les montagnes… Les villes sont rares et les routes chaotiques. Nos émotions oscillent entre l'inquiétude et l'admiration devant les paysages qui s'offrent à nous. La conduite est stressante et énergivore, les dénivelés sont vertigineux, on se demande plusieurs fois si notre cher camping car va tenir le coup. Finalement, nos nerfs ayant besoin de repos et nos estomacs de nourriture, on fait escale.

Nous redémarrons et nous retrouvons des routes plus accessibles dans un premier temps, mais la journée n'est pas terminée et elle s'avérera finalement éprouvante. Nous n'avions plus l'habitude de rouler autant. Il faut des heures pour faire quelques kilomètres… Chaque montée semble faire souffrir la mécanique, chaque tournant risque d'abîmer les pare-chocs, chaque descente éprouve les freins. Et puis on apprend à nos dépens que gérer ses émotions et celles des autres est éreintant… Les enfants sont fatigués, ils en ont marre d'être à l'intérieur, le conducteur est épuisé par la vigilance que la route exige, chacun prend sur soi. La fatigue finit par nous mettre des bâtons dans les roues, plus assez d'énergie pour rectifier l'itinéraire, pour trouver un endroit où dormir. Et puis comme chaque fois, la vie nous récompense, on découvre un petit oasis au milieu de ces montagnes de roche. Une palmeraie dans la vallée jonchée de petites habitations et de parcelles cultivées. Et au détour d'un virage, une belle étendue de cailloux qui semble nous attendre, il reste juste assez de lumière pour se garer...

Au réveil, le paysage est à nouveau époustouflant… Nous sommes entourés de falaises rouges, on dirait le grand canyon. Au milieu de ce décor de western, des femmes défilent sur leurs ânes et rejoignent les étendues vertes qu'elles cultivent chaque matin, leur oasis. Un salut amical et les voilà au travail, on les observe, émerveillés. Nous récupérons à peine de la veille. Un thé entre les mains, nous assistons au spectacle assis sur des rochers, impressionnés par autant de force. Et c'est vrai que depuis notre arrivée dans ce pays, nous prenons régulièrement des leçons d'humilité, essentiellement lorsque l'on croise des personnes âgées, souvent des femmes, surchargées, en train de gravir des côtes interminables… Leur quotidien semble tellement éloigné du nôtre. Et pourtant elles nous saluent, sourient aux enfants en les embrassant, nous souhaitent le meilleur “Inch Allah”. Alors on se souvient de la force présente en chaque être humain, et de l'influence de la vie sur cette dernière. Sans doute ne se déploie-t-elle pas de la même manière, au même moment, avec la même intensité… Mais ce qui est certain c'est qu'en croisant ces héros du quotidien, on se rappelle que rien n'est impossible à partir du moment où on l'a décidé, où on en a fait une nécessité.

Vers 11h, un jeune homme vient à notre rencontre. Il ne parle qu'un ou deux mots de français mais il n'en faut pas tant pour comprendre qu'il nous invite à le suivre. À l'abri du vent, contre la montagne, il nous présente son troupeau de moutons. Il nous fait du thé. Les échanges sont limités mais l'envie de partager nous motive à nous débrouiller. Il s'appelle Ider. Plus tard, il nous emmène ramasser des dattes. Elles sont délicieuses… Cela nous permet de nous rendre compte que ce que nous prenions pour des palmiers était en fait des dattiers. Nous ouvrirons l'œil à l'avenir ! La journée s'écoule, une journée au rythme d'un berger. Il finira par nous ramener chez lui avec son troupeau, il apprendra aux enfants à faire avancer les moutons. Bilan de nos observations : Ider marche derrière les animaux en faisant un bruit entre ses dents, il jette des gros cailloux de part et d'autre du troupeau pour qu'ils ne s'éloignent pas et suivent la route. Léa et Gab reçoivent un bâton, il les invite à prendre place au manège. Nous marcherons trois kilomètres sans les sentir. Arrivés chez lui, sa mère nous accueille toute étonnée. Elle parle berbère comme lui et ne semble pas gênée par le fait qu'on ne comprenne rien, elle nous présente sa maison et sa voix est comme une mélodie. Elle rit en nous regardant, mais pas de ce rire où l'on se sent mal à l'aise. Un rire contagieux, il n’émane d'elle que des éclats de joie, les milliers de rides qui habillent ses yeux en sont la preuve. Nous découvrons un intérieur surprenant, qui paraît beaucoup plus vaste que l'on imagine. Dans la pièce de vie, le carrelage au sol est blanc avec des motifs bleus, au centre trône un immense oranger dont les branches s'étirent vers le ciel à travers le toit. Nous n'avions jamais rien vu de pareil. Elle cueille quelques fruits et nous en fait cadeau. Elle nous offre aussi des amandes dans leur coque, elle nous apprend à les casser entre deux pierres. Gab réalise l'un de ses rêves, monter sur le dos d'un âne. Léa s'est prise d'affection pour un jeune agneau pas plus grand qu'un chat, tout doux, qui saute sur elle en tétant ses doigts.

Ider nous apporte du lait frais de brebis, il tend un bol aux enfants qui y goûtent et l'avalent d'un trait. Ils relèvent leur grand sourire tout plein de moustaches blanches et disent “c'est le meilleur yaourt du monde” ! Le chemin du retour semble plus long, pas de troupeau à garder. Gab montre quelques signes de fatigue, alors Ider l'attrape et le met sur ses épaules. L'après midi se termine dans le camping car avec un tajine aux légumes et du pain. Quand on fait le bilan de la journée, elle nous apparaît comme une récompense de la précédente. Nous avons appris tellement ! Nous savons désormais cuire un tajine sur le feu comme les berbères, tisser des branches de palmier (ou dattier ?) pour faire un moulin, mener un troupeau, attraper des grenades et faire tomber des dattes avec une pierre. La séparation qui s'en suit n'est pas facile, on le sait mieux que quiconque aujourd'hui...


Tagmout

Nous ne reprenons la route que pour quelques kilomètres et nous nous garons sur un plateau juste au-dessus d'un canyon. En descendant, on découvre des grottes, les enfants courent dans les couloirs de roches, on les voit passer et disparaître par les fenêtres naturelles.

On entend de la musique, plus loin, trois guitaristes jouent et chantent. Nous nous arrêtons pour les écouter et chanter avec eux.

Après une nuit très calme, on se met en route pour Tata. Nous n'avons plus d'eau, plus de nourriture, plus de batterie,... On se résoud à trouver un camping, de quoi faire le plein, et prendre une bonne douche chaude !


Tata

Le camping municipal de Tata est petit, étriqué, mais bien équipé et très bien situé. On se croirait en France au vu des plaques des campings car garés autour de nous. Nous sympathisons avec nos voisins, Jacques et Hélène. Ils présentent l'endroit comme une maison de retraite française, on n'aurait pas osé le dire nous-mêmes !

Il est trompettiste et nous propose rapidement un moment musical dans la salle de spectacle adjacente. Nous jouerons toute la fin de journée ensemble, cherchant des univers communs. Jacques a beau avoir 79 ans depuis deux jours, il a un groove bien à lui ! Des notes de jazz de Louis Amstrong à la valse d'Edith Piaf, on adore !

Et on réalise que les rencontres peuvent nous émerveiller quels que soient l'âge et la nationalité…

Tissint

A une bonne heure de route de Tata, nous voilà installés au bord des cascades d'Atiq. Ce sont les dernières de la région, au nord du Sahara. Si nous poursuivons encore vers le Sud, c'est le désert. Nous estimons notre camping car pas suffisamment équipé, ce qui nous fait sourire au vu du moyen de transport principal ici, l'âne.

Nous décidons donc de repartir le lendemain vers le nord-est, direction Ouarzazate. Entre temps, nous profitons de ce nouvel oasis hors du commun. Après avoir traversé des rochers, nous découvrons une petite plage de sable foncé. Les enfants jouent les pieds dans l'eau et il ne faut pas longtemps avant qu'un ring de boue se crée. Ils en ont jusqu'au cou…


En route vers Tazenakht

Les paysages sont plus désertiques encore que la veille, l’ambiance est lunaire tant l'impact de l'homme est faible. Montagnes de terre et de poussières et plaines caillouteuses. Seule la route nous rappelle que l'humanité existe. De temps à autre, un petit oued a permis à une palmeraie de pousser, oasis gorgé d'oiseaux et de fleurs. Mais la plupart des lits de rivière que nous croisons sont vides et asséchés. Un troupeau de dromadaires passe accompagné de son berger qui nous dévisage avant de nous saluer de loin. Et puis au détour d'un virage, une petite ville apparaît et le monde qui va avec. On traverse un souk rempli de couleurs fruitées et de senteurs diverses. Il aura disparu ce soir.


Le lac de Taghdoute

L'endroit est assez hors du commun. Nous nous garons sous les arbres, la plupart d'entre eux baignent dans le lac. Leurs racines plongent dans l'eau comme des tentacules. Les troncs tortueux nous inspirent et nous décidons de créer un petit village de bâtons et de boue autour de l'un d'eux. L'après midi y passe sans que l'on ne s'en rende compte…

Le lendemain, réveil douceur au bord du lac, les chants des oiseaux sont tellement nombreux qu'ils se mélangent. Les arbres patientent toujours les pieds trempés, le miroitement de l'eau se reflète sur leurs troncs. Il y a un petit air de jungle dans ce paysage. Poursuite des créations autour des arbres, Gab a construit un circuit d'irrigation pour le petit village. Il utilise des cannes de bambou coupée en deux, cela ressemble à des gouttières. Les tests se multiplient et les réussites sont nombreuses.

Le soir, comme très souvent, nous faisons du feu. Charge bois et installation du foyer, il y a du travail pour tout le monde. Les enfants sont presque autonomes dans ce domaine. Cela nous rend fiers. Un petit thé et des étoiles par milliers… Il ne manque rien.

Ait Ben Haddou

C'est un endroit très connu au Maroc, réputé pour ces grands bâtiments tout en argile. Ils datent du 18e siècle. Une étrange sensation nous surprend en retrouvant un circuit plus touristique... Et c'est en voyant tous ces “blancs” avec leurs appareils photo qu'on se rappelle qu'on leur ressemble davantage qu'à tous nos amis locaux rencontrés ici. On se sent tellement bien dans ce pays, les échanges sont faciles, spontanés, on peut s'arrêter où on veut et l'accueil est toujours magique. Bref, un drôle de rappel à la réalité en visitant ce lieu mythique, surtout en constatant les prix !


L'oasis de Fint

Nous ne nous sommes pas attardés à Ouarzazate ensuite, on a rapidement repéré un petit oasis sur la carte au Sud de la ville. Et nous ne sommes à nouveau pas déçus par la destination choisie. A peine arrivés aux abords de Fint, nous rencontrons Aziz qui est l'un des trois guides attitrés de l'oasis. Il nous propose un premier tour d'une heure où il nous raconte l'histoire de sa région. Fint comprend quatre villages et 1200 habitants en tout. Nous passons devant l'école qui n'a que 15 ans, Aziz n'a donc pas pu être scolarisé à son époque. Le système scolaire dans la plupart des milieux ruraux au Maroc à un fonctionnement particulier. Les enfants de l'école sont partagés en deux groupes, le premier a cours de 8h à 12h, le second de 14h à 17h et le lendemain, ils échangent. Cette organisation permet de réduire le nombre d'élèves par classe, en général ils sont une trentaine, souvent deux âges mélangés (en fonction de la taille de l'établissement). Nous longeons ensuite les cultures qui bordent l'oasis. Comme nous l'avions déjà constaté ailleurs, un système d'irrigation parcourt tout le domaine. Ils cultivent de tout, pour leur propre subsistance. Nous questionnons alors Aziz sur les sources de revenus des gens. Ils proviennent essentiellement des dattes, il y a presque vingts espèces différentes de dattiers dans la région.

Ils vivent un peu du tourisme également, il existe des promenades d'un ou plusieurs jours à dos d'âne ou de dromadaire. On peut manger chez l'habitant, le voir au travail, assister au tissage, etc. Nous nous rendons compte que nous n'avons jamais eu besoin de circuit touristique pour cela… Mais nous sommes tout de même heureux d'avoir rencontré Aziz ! Bien que ce soit son métier et qu'il nous propose de le rémunérer librement pour la visite, ce que nous faisons, il nous ouvre un autre volet de la vie ici. La journée se termine et Aziz nous montre un petit coin tranquille, à l'ombre des palmiers où l'on peut se garer et s'installer pour quelques jours. Nous lui demandons des renseignements concernant les balades à dos d'âne, un des rêves que Gabriel a touché du doigt récemment et nous décidons d'en programmer une pour le lendemain. Le regard de notre fils au réveil lorsqu'on lui annonce n'a pas de prix… Léa est enchantée également et ils se mettent à attendre notre hôte avec impatience. La promenade est très agréable, les petits sentiers que nous empruntons ont des airs de passages secrets. Notre guide nous explique tout le système d'irrigation de l'oasis, son fonctionnement est tellement basique et bien pensé. Chaque parcelle est choyée, entretenue avec soin. Nous croisons des femmes qui récoltent les dernières dattes, le gros de la récolte a eu lieu en octobre et en novembre. C'est souvent un enfant qui grimpe tout en haut de l'arbre, il secoue les branches ou les frappe avec un bâton. Les fruits tombent sur de grandes couvertures étendues au pied du tronc. Ils partagent leur récolte avec nous, comme à chaque fois.


Il est temps de reprendre la route, de repartir plein nord après avoir tiré vers l'est. Pour ce faire, nous devons traverser le Haut Atlas, la plus importante chaîne de montagnes du Maroc. Nous sommes impatients des paysages qui vont encore s'offrir à nous, inquiets aussi de l'état des routes et de la possibilité de faire souffrir à nouveau la mécanique de notre précieux véhicule.

Nos espoirs et nos craintes sont rencontrées, la traversée est superbe, les montagnes ressemblent davantage à une palette de peintre. Allant du rouge au vert, les roches contiennent tant de minéraux différents que leurs reflets en sont parfois irisés. Nous croisons plusieurs villages accrochés dans la pierre, même dans les pentes les plus vertigineuses. Et puis nous découvrons les premiers sommets enneigés, on sent la température descendre malgré le soleil qui n'a encore jamais quitté le devant de la scène. Mais la route est rude, particulièrement au niveau du revêtement. Heureusement les plus gros tronçons sont goudronnés, mais ils laissent parfois la place à la terre, les cailloux, les trous et les rivières même… Quelle aventure !

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1 Comment


annelodewick
Feb 03, 2019

Oh lala, j'ai l'impression de courir derrière vous, de me tordre les pieds dans les cailloux, de trébucher dans les descentes et de tomber en admiration devant tant de beauté ! Quel récit haletant, que de richesses partagées... Il me manque le son et je l'imagine : les rires des enfants, les sabots des ânes, la musique, les mots d'arabes baraguinés, ... Merci pour ce partage ! Bonne route à vous 4

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